30 janv. 2011

Une brève histoire de l'avenir 3) Première vague de l'avenir: l'hyperempire

Ma lecture du livre de J. Atali: "une brève histoire de l'avenir".

Historique:

  1) Une brève histoire de l'avenir: des origines au capitalisme.
  2) une brève histoire de l'avenir:  La fin de l’Empire Américain.

Suite:
  3) une brève histoire de l'avenir: Première vague de l’avenir: l’hyper-Empire.
  4) une brève histoire de l’avenir: l’hyper-conflit.
  5) une troisième vague de l’avenir: l’hyper-démocratie.
  6) Et la France? 

« Aujourd’hui se décide ce que sera le monde en 2050 et se prépare ce qu’il sera en 2100. Selon la façon dont nous agirons, nos enfants et petits enfants habiteront un monde vivable ou traverseront un enfer en nous haïssant. Pour leur laisser une planète fréquentable, il nous faut prendre la peine de penser l’avenir, de comprendre d’où il vient et comment agir sur lui. C’est possible: l’histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l’orienter. »


3)  Première vague de l'avenir: l'hyperempire


l'hyper empire Romain
  
3) Une brève histoire de l'avenir: Première vague de l'avenir: l'hyperempire





Préambule. Vers un retour au nomadisme?
Beaucoup prédisent que l'histoire ne racontera désormais jamais plus rien d'autre que la généralisation du marché, puis de la démocratie, c'est ce qu'ils nomment la fin de l'Histoire. Cette évolution se fera naturellement; pacifiquement, les peuples se libèrement eux-mêmes par le jeu de la croissance économique, de la transparence de l'information et de l'expansion des classes moyennes.L'ordre marchand sera polycentrique, avec une juxtaposition de démocraties de marché autour de quelques puissances dominantes. Un tel scénario aura sans doute lieu entre 2025 et 2035, mais il ne pourra pas durer, un autre monde se mettra en place, dans le droit fil de l'histoire: un marché sans démocratie, un marché devenu planétaire, sans état. Alors commencera ce que J. Attali appele l'hyperempire. Il restera durablement fidèle aux valeurs de l'ancien "coeur" californien. Ses objets de consommation seront la prolongation des obets nomades, tout comme sa culture (métissée), son mode de vie (précaire), ses valeurs (individualistes) et son idéal (narcissique).

 a) La généralisation de la démocratie de marché: le monde polycentrique.

un monde polycentrique
La croissance marchande créera vers 2035 une classe moyenne qui mettra à bas la dictature et installera une démocratie parlementaire. La mise en place d'élections libres ne suffira pas, elles devront être accompagnées de la mise en place d'institutions stables, économiques et politiques. et un désir de vivre ensemble. Les constitutions devront être laïques, dotées de parlements, de partis politiques, de systèmes juridiques et policiers respectant les droits de l'homme et une véritable pluralité de l'information. Les nations les plus démocratiques devront se servir de leurs propres valeurs plus que de leurs missiles. Des ethnies, des régions, des peuples, décideront de ne plus vivrent les uns avec les autres; des régions riches se débarasseront de fait des régions pauvres (Tchéquie/Slovaquie...). Les états créés artificiellement par la colonisation pourraient voler en éclats et plus de cent nations naîtraient ainsi.
Une part croissante du revenu national passera par des budgets publics et des systèmes d'assurance sociales et privées qui qui mutualiseront les risques liés à la santé et au vieillissement. Il y aura effacement des classes paysanne et ouvrière et essor des classes moyennes moins soumises à la pénibilité du travail et pouvant se contenter de libertés formelles et de bien-être matériel. Tant que démocratie et marché resteront de force égales, ils se partageront leurs champs de compétence et respecteront leurs frontières. L'Ordre marchand s'organisera comme une juxtaposition de démocraties de marché, un monde polycentrique avec une ou deux puissances majeures sur chaque continent: les Etats-Unis, le Brésil, le Mexique, la Chine, l'Inde, l'Egypte, la Russie et l'Union européenne. Ces neuf nations, formeront un gouvernement informel avant le troisième vague de l'avenir.
Mais un tel ordre ne pourra pas se maintenir, par nature, le marché est conquérant. Il n'acceptera pas de limites, de partage de territoires, de trêves. Il s'étendra à tous les services publics et videra les gouvernements de leurs ultimes prérogatives y compris celles de la souveraineté; même si des nations et des organisations internationales vont tenter de contenir et de limiter les marchés, les puissances financières, technologiques. Ces puissances, légales ou illégales refuseront d'accepter tout équilibre polycentrique, bouleverseront les frontières et concurrenceront tous les services publics.  Puis les services d'éducation, de santé et ceux liés à l'exercice de la souveraineté cesseront totalement d'être publics.  médecins, professeurs, juges et soldats deviendront salariés du secteur privé.

Commencera, commence déjà, une formidable bataille géopolitique entre les démocraties de marché et le marché pour la suprématie planétaire. Elle conduira à la victoire du capitalisme sur les Etats-Unis et du marché sur la démocratie. En voici l'histoire...

b) L'objet substitut de l'Etat: de l'hypersurveillance à l'autosurveillence.

De nouveaux marchés seront rentabilisés dans des activités aujourd'hui publiques (éducation, santé, environnement souveraineté). Les entreprises privées commercialiseront  ces fonctions et les remplaceront par des produis de consommation fabriqués en série qui entreront dans la dynamique du progrès technique à l'oeuvre depuis le début de l'Ordre marchand.
On accumulera plus d'informations dans un volume plus réduit, en particulier pour diminuer les consommations d'énergie, de matières premières et d'eau et les conséquences sur l'environnement grâce aux nanotechnologies. On construira des nanomachines par assemblage de molécules, par repérage des atomes, manipulation et positionnement. Des microprocesseurs utiliseront les biomolécules de l'ADN et les peptides pour la fabrication de nano-ordinateurs.  Les nanocentrales d'énergie utiliseront des piles à hydrogène et des autorépliqueurs pourront de réparer eux-mêmes et se reproduire. Par les progrès technologiques l'efficacité écologique sera améliorée et la façon d'utiliser les objets sera radicalement modifiée.
On évoluera vers la miniaturisation des moyens de s'informer, se distraire, communiquer, transporter. Des matières plastiques récupérables et recyclables donneront des vêtements (objets nomades connectés), des écrans jetables dans les lieux publics et les maisons. Un objet nomade unique sera intégré au corps, il servira de capteur et de contrôleur, aidera les invalides, permettra plusieurs réunions virtuelles simultanées ou la reproduction d'une personne disparue ou fantasmée. Le voyage sera transformé: voitures autoguidées, avions hypersoniques, tourisme vers la lune ou mars.
Vers 2040, s'amorcera l'essentiel, qui diminuera le coût d'organisation des démocraties, rétablira la rentabilité de l'industrie, réduira à néant le rôle des états, et détruira l'ordre polycentrique. Le moteur de la croissance sera assuré par des objets nouveaux: les objets de surveillance qui remplaceront de nombreuses fonctions de l'état (des surveilleurs). Les services d'éducation, de santé, de souveraineté seront remplacés (comme ce fut le cas avec les transports, les services domestiques, la communication), par des machines produites en série; ce qui ouvrira de nouveaux marchés et augmentera la productivité de l'économie.

On touchera ici à des services essentiels à l'ordre social, constitutifs des états et des peuples, ce qui modifiera radicalement les relations à l'imaginaire individuel et collectif, à l'identité, à la vie, à la souveraineté, au savoir, au pouvoir, à la nation, à la culture, à la géopolitique. Là se situe la plus profonde révolution qui nous attend dans le prochain demi-siècle.

Ces surveilleurs ne surgiront pas tout prêts, mais répondront aux impératifs financiers de l'ordre marchand (réduire le temps nécessaire à la production des objets existants, augmenter la capacité des réseaux, réduire les dépenses collectives, valoriser l'usage du temps, transformer des désirs et des besoins en richesses marchandes). Il y aura deux étapes: hypersurveillance et autosurveillance. Quand la loi du marché l'emportera sur celle de la démocratie, tous les services publics seront concurrencés par des entreprises privées (justice, sécurité, renseignements, police, hopitaux,  universités...). Cela permettra de réduire lés dépenses publiques et économiser des ressources rares. Il y aura privatisation totale de la surveillance des mouvements et des données, pour le compte de compagnies d'assurance et d'entreprises qui voudront tout savoir de leurs employés, de leurs clients, de leurs fournisseurs, de leurs concurrents, de leurs risques. Elles voudront protéger leurs actifs matériels, financiers et intellectuels contre diverses menaces et suivront à la trace objets et gens. L'ubiquité nomade ouvre à l'ypersurveillence quand celui qui est connecté laisse trace de son passage.
Des services privés géreront les droits sociaux et les services administratifs (déjà fait en Grande-Bretagne), l'état se déchargera d'importantes décisions qui le dégagent de toute responsabilité. On recevra plus rapidement des allocations en payant plus cher. En échange d'une baisse d'impôts, tous les services publics deviendront payants, ce qui pénalisera les plus pauvres. Les usagers, personnes privées ou entreprises, deviendront des consommateurs et la concurrence pour attirer les clients fera augmenter le côut final du service. Les compagnies d'assurance exigeront non seulement que les clients payent leurs primes, mais elles vérifieront qu'elles se conforment à des normes pour minimiser les risques à couvrir (quoi et comment manger, savoir, conduire, se conduire, se protéger, consommer, produire?).  Elles pénaliseront les fumeurs, les buveurs, les obèses, les inemployables, les mal protégés, les agressifs, les imprudents, les maladroits, les distraits, les gaspilleurs...) et considéreront commes des maladies l'ignorance, l'exposition aux risques, les gaspillages, la vulnérabilité. Les entreprises devront aussi obéir à des normes afin de réduire les risques de catastrophes industrielles, d'accidents du travail d'agressions externes ou de gaspillage de ressources réelles. Elles seront ainsi poussées à décider dans l'intérêt général et même faire de leur "citoyenneté" une dimension de leur image et de leur action.
Il y aura montée des risques (viellissement, croissance urbaine, catastrophes écologiques, attentats). Dans le revenu national, la part des primes augmentera et en même temps baissera le prélèvement obligatoire. Les entrepeises devront respecter les normes et les imposer à leurs collaborateurs dont elles payeront une partie de cotisations qui devront respecter d'autres normes (surveiller sa santé, son savoir, sa vigilance, ses propriétés, se soigner, se former, se protéger et plus généralement être en forme). Ces comportements deviendront socialement nécessaires.
Ainsi, chacun devra acepter qu'un tiers vérifie sa conformité aux normes, d'être surveillé. "surveillance" ("hypersurveillance" verra le jour en premier), maître mot des temps à venir.
La technologie permettra de tout savoir sur les les origines des produits et le mouvement des hommes. Des capteurs et des caméras seront placés dans tous les lieux publics, privés, les bureaux, les lieux de repos, et sur les objets nomades eux-mêmes. Les techniques biométriques de surveillance se généraliseront: empreintes, iris, formes de la main et du visage. Elles permettront la surveillance des voyageurs, des travailleurs des consommateurs, de la santé d'un corps, d'un esprit ou d'un produit. L'objet nomade unique sera en permanence localisé, les données et les images seront stockées et vendues à des entreprises spécialisées et à des polices publiques ou privées. On organisera des tests prédictifs en vue de traitements préventifs. La prison sera remplacée par la surveillance d'un confinement à domicile.
La discrétion disparaîtra et on évoluera vers moins de culpabilité et plus de tolérance. L'oubli était teinté de remords, demain, la transparence incitera à ne plus en avoir. La curiosité disparaîtra (ainsi que les journaux à scandale), du coup, la célébrité aussi.
Puis, vers 2050 apparaîtra l'autosurveillance de la conformité aux normes, des personnes ou des entreprises.  On se surveillera en tout: consommation (énergie, eau, matières premières, ...), patrimoine et épargne. Déjà, on le miroir, l'alcootest, les tests de grossesse, les éléctrocardiographes... La surveillance sera intégrée dans nos vêtements et sur notre peau, voire sur notre corps, par des capteurs, des caméras et des senseurs, par des nanofibres et nanopuces. L'ubiquité nomade de l'information deviendra contrôle permanent du savoir. Ces machines permettront aussi de gagner du temps de vie.
Au début, seuls médecins et professeurs seront autorisés à se servir de ces autosurveilleurs. Puis, la miniaturisation et la baisse des coûts les rendront autonomes, malgré l'opposition des experts, qu'ils concurrenceront. La peur de la dégradation physique, la familiarité croissante avec les objets nomades, la méfiance envers les corporations enseignante et médicale, la foi dans l'infaillibilité technologique, leur ouvriront d'énormes marchés. Les compagnies d'assurance, soucieuses d'ajuster leurs primes à l'évaluation des risques encourus par leurs clients, exigeront qu'ils fassent la preuve de leur utilisation. Les praticiens pourront soigner les maladies non détectées auparavant et les professeurs des tuteurs de ceux qui seront repérés comme réfractaires au savoir.
Une nouvelle fois, des services collectifs, cette fois étatiques, deviendront des objets industriels produits en série. Tout ce qui se met en place depuis quelques décennies trouvera son aboutissement. Chacun deviendra son propre gardien de prison.
Après les autosurveilleurs viendront (viennent déjà), les autoréparateurs. Une des premières formes a été les industrie du maquillage, de la beauté, de la diététique, de la mode, de la gymnastique, de la remise en forme, de la chirurgie esthétique. Le viellissement du monde en augmentera la nécessité.  On commencera par intégrer les dispositifs d'autoréparation dans les systèmes artificiels, tels que machines, ponts, immeubles, automobiles, équipements ménagers, objets nomades. Puis les microprocesseurs d'abord fabriqués avec des matériaux organiques, puis à partir de biomatériaux, s'occuperont de réparer les corps. Ils délivreront les médicaments, repéreront et détruiront les amorces de maladies tels que les cancers ou lutteront contre le vieillissement.  Sans doute ils pourront même en bloquer les manifestations et on manipulera l'intérieur des cellules pour réparer in vivo les organes humains.
Un ultime étape sera la mise sur le marché de moyens d'atteindre l'éternité. Au lieu de mettre sur le marché, comme jadis l'Eglise, des "indulgences", on vendra des services de suicide, de mort médicalement assistée, de cryogénisation. Puis on commercialisera des machines permettant d'organiser des simulâcres d'agonie, des semi-suicides, des expériences de presque-mort, des aventures extrêmes sans ganrantie de retour.

c) La déconstruction des états.

Ces technologies interviendront au moment où les dépenses mutualisées seront de plus en plus importantes. Elles réduiront progressivement le rôle de l'état et des institutions de prévoyance publique. Après avoir augmenté, leur part dans le revenu national diminuera massivement. La croissance des marchés agira dans le même sens et influencera les médias par un chantage à la publicité afin d'orienter le choix des citoyens. Par exemple, les riches minorités pourront faire basculer vers un système de retraites par capitalisation quand elle pensera que le système par répartition n'est plus conforme à ses intérêts en nouant des alliances passagères, et de même pour la santé, la police, l'éducation, l'environnement...
Puis le marché, par nature planétaire transgressera les lois locales de la démocratie. Quelque 100 millions de personnes sur les 2 milliards de d'actions, d'actifs mobiles et de savoir nomade, trahiront leur pays de naissance ou s'expatrieront s'ils estiment ne pas en avoir pour leur argent. Il en sera de même pour les entreprises en ce qui concerne la fiscalité ou le droit. Les états se feront concurrence par une baisse massive des impôts sur le capital et sur la classe créative (privation de leurs ressources). Exsangues, et poussés par l'apparition des autosurveilleurs, ils abandonneront au marché la plupart des services d'éducation, de santé, de sécurité et même de souveraineté (délocalisations, baisse des impôts, revenus minima et statuts protégeants les plus faibles balayé, généralisation de la précarité). Faute d'état, les entreprises favoriseront encore plus les consommateurs contre les travailleurs dont les revenus diminueront. Les technologies accélèreront ce processus, en favorisant le consommateur contre l'usager du service public, le profit contre le salaire et en donnant toujours plus de pouvoir aux compagnies d'assurance, de distraction et aux producteurs d'autosurveilleurs.

Commencera vers 2050, la déconstruction des états, nés pour certains il y a plus de 1000 ans. La classe moyenne retrouvera la précarité à laquelle elle croyait avoir échappé en se détachant de la classe ouvrière. Le contrat l'emportera de plus en plus sur la loi, les mercenaires sur les armées et les polices, les arbitres sur les juges, les juristes de droit privé feront florès.
destruction des états (le fils de Ben laden)
Les partis politiques en désarroi ne pourront empêcher les privatisations, proposeront des solutions médiocres devant un désintérêt de l'opinion publique manipulée par des groupes de pression. Les nations, au train de vie limité, ne seront plus que des oasis de passage pour des sédentaires forcés d'être là parce que trop ennemis du risque, trop fragiles, trop jeunes, trop vieux, devenus faibles ou venus d'ailleurs pour y trouver un cadre de vie plus décent. Seuls pourront se développer des états qui s'attireront la loyauté de leurs citoyens en favorisant leur créativité, leur intégration et leur mobilité sociale (par exemple des nations de tradition social-démocrate). Dans certains pays, pour empêcher cette destruction de l'identité nationale et pour faire face aux vagues d'immigration qui s'ensuivront, des dictateurs racistes, théocratiques ou laïques prendront le pouvoir. Tandis que l'Afrique s'évertuera en vain à se construire pour ressembler à l'occident d'aujourd'hui, c'est plutôt le monde de demain qui ressemblera à l'Afrique d'aujourd'hui sous les coups de la globalisation.
En dernier sans doute, les Etats-Unis perdront l'essentiel des instruments de leur souveraineté. Ce sera d'abord le cas dans le monde virtuel. Tout comme, on la vu pour le cas de l'imprimerie qui joua contre les pouvoirs en place, Internet jouera contre les Etats-Unis. En favorisant la gratuité, en démultipliant les sources d'information, en libérant les contrôles exercés sur celle-ci par les plus riches, il videra le gouvernement de nombre de ses pouvoirs. Beaucoup revendiqueront la citoyenneté de l'univers virtuel. Dans le monde réel, les entreprises délocaliseront, le financement de la souveraineté deviendra plus ardu, les citoyens ne voudront plus voir mourir leurs enfants au combat ni être contraints de participer à la défense de leur pays. Cetraines forces, militaires en particulier, tenteront de s'y opposer, les moyens d'information mentiront et truqueront une information de plus en plus inaccessible, en vain. Comme autrefois l'Empire romain, l'Empire américain disparaîtra sans laisser d'autorité en place.

d) La marchandisation absolue du temps.

Le capitalisme ira alors à son terme: il dértuira tout ce qui n'est pas lui. Il transformera le monde en un immense marché, au destin déconnecté de celui des nations et dégagé des exigences et des servitudes d'un "coeur". Comme l'empire américain et les neufs formes qui l'ont précédé, il aura des aspects formidablement libérateurs, mais aussi des dimensions formidablement aliénantes. Il achèvera ce qu'a commencé le marché depuis les origines, faire du temps de la vie marchande une occasion de produire, d'échanger ou de consommer de la valeur marchande.
Comme les vainqueurs de l'Empire romain, les marchés endosseront les habits des vaincus.  La société Américaine inspirera encore le modèle de l'Hyperempire. Il poussera toures les entreprises à entrer sur tous les marchés de la surveillance, il incitera tout étudiant à financer ser propres études supérieures et sa formation permanente. Pour défendre la propriété privée en l'absence d'un état mais aussi pour protéger l'environnement, il fera surgir polices, armées, justices privées, mercenaires et arbitres. Tout temps passé à autre chose que consommer sera considéré comme perdu. On en viendra à dissoudre les sièges sociaux, les usines, les ateliers pour que les gens puissent consommer chez eux en travaillant, en jouant, en s'informant, en apprenant, en se surveillant. Tout laissera la place à des lieux de vente et de services après-vente d'autosurveilleurs et d'autoréparateurs, germes de la troisième vague de l'avenir.
Plus l'homme sera seul, plus il consommera, se surveillera, et se distraira afin de meubler sa solitude. Sa liberté individuelle sans cesse augmentée (en apparence) par les autosurveilleurs la conduira de plus en plus à se considérer comme responsable de sa seule sphère personnelle et privée, à n'obéir qu'à son propre caprice, en fait aux normes fixant les exigences de sa propre survie. Il n'aura plus le moindre contrat social ni les règles complexes d'ambitions collectives multiples des nomades des sociétés précédentes. L'homme de demain percevra le monde comme une totalité à son service, dans la limite des normes imposées par les sociétés d'assurance. Il ne verra l'autre que comme un outil de son propre bonheur, un moyen de se procurer du plaisir ou de l'argent. Pourquoi partager quand quand il faut se battre contre des concurrents. Le bonheur d'autrui sera inutile et l'action collective ou le changement politique impensables et inconcevables.La solitude commencera dès l'enfance: plus d'amour assez durable pour respecter et élever ses enfants, solitude des jeunes devenus adultes précoces dont la solitude ne sera plus compensée par les réseaux des sociétés antérieures, plus de gens âgés qui ne connaîtront presque plus personne...Le monde ne sera alors qu'une juxtaposition de solitudes, et l'amour une juxtaposition de masturbations.
Beaucoup chercheront des rencontres précaires en acceptant la multiplicité des partenaires, rémunérées ou non. Les objets d'autosurveillance et les drogues d'autoréparation seront des substituts à leur solitude. Pour gérer le temps marchand, les deux industries dominantes resteront les assurances et la distraction.

e) Les entreprises nomades.
Déjà dès 2020, beaucoup d'entreprises n'auront plus de base sédentaire, elles seront des regroupements provisoires d'individus, ou des rassemblements durables de tribus, en compétition féroce les uns contre les autres pour conquérir clients et investisseurs. Leur durée de vie ne dépassera pas celle de leurs créateurs, les employés des intérimaires pour remplir une tâche donnée. Leur travail sera fixé par les exigences du juste-à-temps, du sur-mesure et de plus en plus stressant, flexible et précaire.
Pour les marchés qui les accueillent,elles seront comme dans un "théâtre". Ces "troupes" joueront aussi longmptemps qu'elles auront des "spectateurs", des clients. Le travail créatif sera, comme toujours, la principale source de richesse. Les micro-entreprises construiront l'essentiel de ces "compagnies théâtrales" ou de multinationales minuscules. Ce seront des "ensembliers" réunissant des modules fabriqués par des sous-traitants spécialisés, eux mêmes "troupes de théâtre" en compétition impitoyable, des réseaux d'associés nomades. Pour garder les collaborateurs auxquels elles tiendront, elles offriront tout ce qu'un état procurait, du cadre de vie à la sécurité, de l'assurance à la formation. Leur actif sera leur marque. Elles financeront d'énormes programmes de communication pour se constituer en références, elles incarneront des valeurs que chacun voudra incarner, des lieux où chacun voudra se rendre. De gigantesques marchés s'ouvriront plus que jamais pour les produits destinés aux pauvres, avec généralisation du micro crédit. Les compagnies d'assurance se porteront acquéreurs de ces "cirques" et en assureront la croissance. Les premiers "cirques" seront d'origine américaine ou rattachées à des valeurs américaines. Là se trouveront les entités capables de réunir les moyens d'un projet mondial durable.
On peut déjà nommer: AIG, City Group, Disney, Betchel, Whilrpool, United Health Group, Wal-Mart, Exxon, Pearson, Microsoft, Boeing, Nike, Motorola, Coca-Cola. Peu sont européennes: Nokia, L'Oréal, Nestlé, Danone, Sanofi, Mercedes, Vuitton, HSBC. Les autre "cirques" sont indiens, brésiliens, japonais, chinois, russes, mexicains. Elles deviendront totalement nomades, et se détacheront d'une base nationale et dureront plus longtemps que les empires financiers et les fonds d'investissement qui en seront temporairement propriétaires. Elles cesseront d'être hiérarchiques pour devenir labyrintique, des conglomérats d'entreprises locales, produisant sur demande des biens sur mesure. Elles iront jusqu'à créer leur propre monnaie pour fidéliser fournisseurs ("points" offerts en cadeau à leurs partenaires).
Face aux états affaiblis, agonisants, volatilisés, dans la négation du droit et l'impunité qu'impliquera l'Hyperempire, se développeront deux catégories d'entreprises: pirates et relationnelles. Les entreprises pirates, présentes depuis le début, verront leur marché s'élargir. Certaines resteront licites, les autres exerçant des activités criminelles et utiliseront le violence. leur chiffre d'affaire dépassera un jour celui de l'économie licite. Elles blanchiront leur argent, s'interpénétreront avec celles du marché licite et pour triompher, se doteront des attributs des états à l'agonie: réseaux de communication, instruments de collecte des ressources. Elles contrôleront les moyens d'information et en feront des instruments de mensonge, par la peur et la corruption. Elles séduiront les plus déshérités par la microfinance. Elles seront les acteurs clés de l'étape suivante, l'hyperconflit. Les entreprises relationnelles seront en réaction contre les contradictions de la globalisation marchande et viendront exercer certaines des fonctions que les états ne sauront plus remplir (les ONG en font dèjà partie). Elles s'imbriqueront dans le marché et feront naître la troisième vague de l'avenir, l'hyperdémocratie.

f) Les maîtres de l'hyperempire: les hypernomades.

Les hypernomades: ce seront les maîtres des "cirques" et des "compagnies théâtrales"; détenteurs du capital et d'un actif nomade, stratèges financiers ou d'entreprises, patrons des compagnies d'assurance et de loisirs, architectes de logiciels, juristes, financiers, auteurs, matriceurs d'objets nomades.
D'autres, au contraire, développeront la conscience des enjeux planétaires, et investiront, fortune faite, dans l'action humanitaire. Ils deviendront, parfois pour se donner une posture, les animateurs des entreprises relationnelles, tenants d'une démocratie planétaire.

g) Les nomades virtuels: Des sports aux spectacles vivants.

Vers 2040, juste en dessous des hypernomades, 4 milliards de sédentaires salariés seront les principaux consommateurs solvables (cols blancs, commerçants, médecins, infirmières, avocats, policiers, juges, administrateurs, enseignants, développeurs, chercheurs, techniciens, ouvriers qualifiés,employés de service). Ils seront sans lieu de travail fixe, sans cesse joignables, surveillant en permanence leur employabilité (leur forme physique ou leur savoir). Pour les plus jeunes, voyager sera une progression vers l'hyperclasse pour gravir les échelons dans la hiérarchie de la firme. Comme le furent les travailleurs non qualifiés auparavant, ils domineront la scène sociale et politique des trois prochaines décennies et auront à souffrir d'un retour au nomadisme (baisse des revenus suite à l'immigration des travailleurs et à la délocalisation des entreprises, ils auront le regret de la fermeture des frontières assurant un emploi pour la vie, des objets durables, des mariages scellés une fois pour toutes, des lois intangibles, ils idéaliseront le statut de fonctionnaire et assimileront l'emploi garanti et le traitement correspondant à une patrimoine et une rente). Les classes moyennes, sédentaires par nature, auront une façon d'oublier et une obsession: s'assurer et se distraire. Les réponses seront variées: revendication du droit à l'enracinement et à la lenteur, pratique assidue ,"autiste", dans l'obsession narcissique des objets nomades, refus du mouvement par l'obésité...
Les industriels de l'assurance et de la distraction développeront pour ces milliards de sédentaires des produits d'assurance (couverture des risques de précarité, de chômage de mouvement, d'incertitude, de désordre, assurance contre le chagrin d'amour, l'impuissance sexuelle, l'insuffisance intellectuelle, le manque d'amour maternel...), divertissement par le nomadisme virtuel. Les classes moyennes vivront par procuration la vie des hypernomades par des simulacres sur les sports, les voyages, les aventures...Les sédentaires paieront de plus en plus cher des spectacles en temps réel , simulacre de la vie des hypernomades, avec un concurrence impitoyable et des règles de plus en plus violentes, certains iront grossir les rangs des consommateurs de drogues, devenues produits de consommation de masse des infranomades.

h) Les victimes de l'hyperempire: les infranomades.

L'hyperempire fera triompher le marché, mais n'en fera pas disparaître la pauvreté qui touchera une part croissante de l'humanité (plus de 3,5 milliards de personnes en 2035 contre 2,5 milliards en 2006). Les états, affaiblis, ne pourront plus financer de revenus décents d'assistance. Les tentatives pour réduire le nombre de pauvres par les seules forces du marché se solderont par un échec. La croissance ne suffira pas et el il ne saura pas installer dans les mégapoles les infrastructures nécessaires.
Les infranomades seront de plus en plus vulnérables aux épidémies, au manque d'eau, à la désertification, au réchauffement climatique. Ils se déplaceront pour fuir la misère, la sécheresse, chercher un emploi ou un logement. Il seront de plus en plus disponibles pour les révoltes, nourriront l'économie pirate et seront la cible des marchands d'utopie. Ils deviendront les acteurs et les victimes de l'hyperconflit. Mais ils seront les enjeux et les grands vainqueurs de l'hyperdémocratie si celle-cise matérialise. En attendant, pire défaite, nul ne saura organiser la gouvernance de l'hyperempire.

i) La gouvernance de l'hyperempire.

Cette victoire du marché sur la démocratie créera une situation inédite, un marché sans état. Or, un tel marché suscite l'apparition de cartels, libère l'économie criminelle, sous-utilise les forces productives, pousse à la spéculation financière, favorise le chômage, gaspille les ressources naturelles, libère l'économie criminille, donne le pouvoir aux pirates (tel fut le cas en Chine en 1912, en Somalie en 1990, e  Afghanistan en 2002, en Irak en 2006).
Les états ne seront plus que les relais des entreprises dans l'opinion. Nul ne sera plus capable  d'assurer légalité de traitement des citoyens, l'impartialité des élections, la liberté de l'information. Le marché lui-même ne pourra se satisfaire de cette situation, il a toujours eu besoin d'un état fort. Il lui faut de règles pour que les mauvais joueurs ne faussent pas la concurrence, pour que la loi des armes ne vienne pas se substituer à celle de l'échange, pous que le droit de propriété ne soit pas enfreint, pour que les consommateurs restent solvables et pour que la violence soit socialement maîtrisée. Les entreprises de l'assurance et de la distraction tenteront de jouer ce rôle en produisant des normes et spectacles. Elles s'appuieront sur des organisations corporatives, formes de gouvernance autoproclamée. Les banques et les institutions financières se doteront (se dotent dèjà), d'organismes prudentiels mondiaux. Poussées par les compagnies d'assurance, d'autres organisations émergeront: contrôle de l'origine des capitaux pour lutter contre l'économie pirate. D'abord publiques, puis privées, elles remplaceront l'action des polices (avec des mercenaires). D'autres professions édicteront des normes (comptables, publicitaires, avocats, informaticiens, médecins, pharmaciens, architectes, enseignants, ingénieurs), avec des organisations financées par des quasi-impôts, pour surveiller leurs membres et éviter les scandales. D'autres institutions de gouvernance verront le jour: dans les domaines de l'énergie, des télécommunications, de l'éducation, ou de la santé, des agences de notation établiront des normes d'orthodoxie, financière, sociale, écologique, éthtique.
La "gouvernance" deviendra en elle-même un secteur économique rentable, eéaulée par les compagnies d'assurance, avec des régulateurs nationaux, des autorités policières privées, et fourniront aux entreprises des membres compétents pour leurs conseils d'administration (l'ICANN qui gère aujourd'hui Internet est autoproclamée et masque en fait le gouvernement Américain). Notateurs et assureurs en seront les maîtres. Ils seront concurrencés, foudroyés, soudoyés par des organisitions criminelles qui tenteront de les éliminer. Le football, premier spectacle de la planète, est dès aujourd'hui un exemple achevé. La "FIF" contrôle des recettes considérables que les médias reversent sur le sport (sans légimité établie ou contrôlée). Elle a ses propres laboratoires de contrôle, tout le monde se sent tenu de respecter les règles qu'elle édicte depuis Zurich,  le droit du travail nomade et universel y est très en avance sur les droits nationaux. Il en va de même pour toutes les autres fédérations internationales. A l'instar de ces organisations sportives, les institutions de gouvernance de l'hyperempire seront autoproclamées, pour le plus grand bénéfice de leurs maîtres, d'abord américains, puis hypernomades, légaux ou criminels.Leur doctrine: l'apologie de la compétition. Elles seront de plus en plus contrôlées par les compagnies d'assurance, ainsi la FIFA a émis en 2003 un emprunt de 262 millions de dollars pour couvrir le risque d'une annulation de la coupe du monde en 2006 en raison d'actes terrostistes. Elles seront broyées par les pirates, ou feront advenir la troisième vague de l'avenir avec un gouvernement démocratique planétaire.

j) La fin de la liberté, au nom de la liberté.

L'hyperempire sera, vers 2050 un monde de déséquilibres extrêmes et de grandes contradictions, il échouera puis s'effondrera, pris dans ses propres filets. La transparence rendra plus visibles et moins tolérables les inégalités, les cycles économiques, politiques, militaires, d'amplitude de plus en plus grande. Sous prétexte de sortir de la rareté, o, devra en créer de nouvelles, les entreprises voudront prendre moins de risques en exigeant une rentabilité maximale sous la pression des assureurs. Les salariés réclameront en vain un maintien de leurs revenus, la priorité sera au cours terme, à l'immédiat, au précaire, à la déloyauté. Le recherche et la collecte d'impôts sera mission impossible, les assurances ne couvriront plus tous les risques. La croissance ne permettra plus d'espérer et ne servira plus d'alibi, l'hypersurveillance bridera la liberté et tarira la source d'information.
Le nomadisme, à la source de la dynamique de l'Ordre marchand sera bloqué par les limites techniques oposées aux voyages: exigences écologiques, limites dues à celle de la vitesse trop faible par rapport à celle de la lumière.L'hypermonde ne pourra pas accepter que la terrre soit oasis, mais prison. Il tentera (il tente dèjà), de sortir de lui-même. Là, il retrouvera son dialogue infiniment recommencé avec sa propre sexualité: se produire comme objet pour aller vivre ailleurs qu'en lui-même. Depuis toujours, l'espèce humaine cherche à prendre ses distances par rapport à son propre mode de reproduction.D'abord, elle s'est efforcée de donner une autre signification à la fonction reproductrice de la sexualité: dans le rituel, les cosmogonies affirment que le propre des dieux est de ne pas être nés d'une relation sexuelle, (c'est une contrainte imposée par les forces du mal dans les religions monothéistes). L'Ordre marchand choisit de l'admettre, tout en lui reconnaissant une fonction autre que la reprodution: le plaisir. Mais la reproduction reste une contrainte animale que la psychanalyse vise ensuite à rendre tolérable. Au 20ème siècle, on artificialise la maternité: pilule, accouchement prématuré, fécondation in-vitro, mères porteuses.Dans l'hyperempire, on dissociera reproduction et sexualité: la sexualité sera le règne du plaisir, la reproduction celui des machines.
Ce rôle sera dévolu à l'hypersurveillance, puis à l'autosurveillance. Après avoir réparé les organes, on voudra les reproduire, puis créer des corps de remplacement. On produira d'abord des cellules souches, sans détruire l'embryon, puis, de la thérapie génique, on passera au clonage thérapeutique, puis reproductif. On fabriquera enfin l'être humain comme un artefact sur mesure, dans des utérus artificiels, pour permettre au cerveau de se développer davantage, avec des caractéristiques choisies d'avance.
L'être humain sera devenu alors un objet marchand.
Chacun espérera même transférer sa conscience de soi dans un autre corps, se procurer son double, la copie des gens aimés, la copie des personnes de rêve, avec des traits particuliers sélectionnés. On ira jusqu'à chercher une forme de vie différente, supérieure. A la fin, la mort sera repoussée jusqu'à la disparition du dernier clone de soi ayant conscience de lui-même, jusqu'à l'oubli de tous les clones issus de soi par tous les autres clones issus d'autrui...Puis l'homme artefact, objet industriel, ne pourra plus mourir, puisqu'il ne sera jamais né.
Mais ce meurtre ultime n'aura pas lieu. Bien avant que l'homme ne soit transformé en machine, avant l'hyperempire, l'homme aura su résister à cette perspective (il y résiste déjà), l'hyperempire échouera. Après la violence de l'argent, viendra (vient dèjà) celle des armes.


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